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Le mythe des abdominaux

Le mythe des abdominaux

Article de Juan Nieto (Polestar Pilates) traduit de l’espagnol par Elodie Estève

Je poursuis depuis quelques temps déjà des recherches au sujet de ce que l’on commente sur Internet et dans la presse sur les abdominaux, en lisant des blogs et des articles de magazines « spécialisés » dans le domaine du sport. Le résultat est décourageant.


Il existe toute une série de certitudes qui, à force d’avoir été répétées dans les gymnases, ont fini par se transformer en « vérités », alors qu’elles n’ont en réalité rien à voir avec la conception réelle du corps humain et peuvent même provoquer des blessures.

Les plus connues sont les suivantes :

  • « Il faut toujours isoler le travail de chaque groupe musculaire » (même pour certains muscles, comme par exemple les abdominaux, on parle de travailler les abdominaux supérieurs et inférieurs séparément). COMMENT ?
  • « Le mouvement doit être bref, centré sur la paroi abdominale. » POURQUOI ?
  • « Il faut rentrer l’abdomen vers l’intérieur, pousser les lombaires vers le sol et contracter le plancher pelvien. » DANS QUEL BUT ?


Dans cet article, je vais tenter d’expliquer pourquoi le fait de s’entraîner de cette façon n’est pas bon pour notre corps, voire même potentiellement dangereux pour nos lombaires.


Travail isolé versus travail intégral


Nous devons partir du principe qu’essayer de faire de l’exercice en « isolant » un groupe musculaire particulier est pratiquement impossible, voire, si nous sommes capables d’y parvenir dans une certaine mesure, totalement inutile quand il s’agit d’améliorer notre condition physique.


Le corps humain est conçu pour travailler comme un système intégral. Chaque fois que nous bougeons, tout notre corps est et doit être impliqué dans ce mouvement. Cela permet au corps humain d’être efficace et de ne pas gaspiller plus d’énergie que celle qui est réellement nécessaire, en tirant sa force des chaînes myofasciales (slings).


Ces lignes ou « attelles » nous apportent précision et puissance supplémentaire, en distribuant la force de manière croisée depuis le bas du corps vers le haut et vice-versa.


À contre-courant de cette idée, on a vu se généraliser ces dernières années un modèle permettant d’augmenter la stabilité du tronc, modèle devenu très populaire. C’est l’idée du « centre », « core » ou « powerhouse » qui consiste à fixer le tronc lors de la réalisation de mouvements effectués avec les extrémités.


Ce modèle est très peu fonctionnel pour les raisons expliquées ci-dessus, mais si en outre nous l’observons d’un point de vue évolutif et physiologique, il n’a strictement aucun sens.


Il y a des millions d’années, nous étions alors des créatures très semblables aux poissons d’aujourd’hui, des organismes dotés d’un système nerveux simple qui consacrait l’essentiel de son temps à chercher de la nourriture et à éviter les dangers. Ce système nerveux était construit sur une structure élémentaire : une épine dorsale avec un orifice d’entrée et un autre de sortie. Le mouvement était motivé par les sens qui captaient toutes les informations et étaient situés dans la tête mais se produisaient depuis l’épine dorsale.


Nous avons ensuite évolué jusqu’au stade de reptiles, qui se déplaçaient au moyen d’un mouvement ondulatoire similaire à celui des serpents actuels. Puis peu à peu, de petits membres rudimentaires firent leur apparition, facilitant ainsi les déplacements, même si le mouvement partait toujours du tronc pour permettre ces mouvements ondulatoires. De là, nous en arrivâmes au stade de quadrupèdes puis de bipèdes. Actuellement, nous pouvons trouver dans notre système nerveux des traces de ces structures archaïques et le développement embryonnaire nous permet d’observer la construction de ces différentes étapes, évoquant le développement évolutif de notre espèce, du stade de poissons jusqu’aux êtres humains. Toutes ces évidences ne laissent aucun doute sur le fait que « le mouvement humain part du tronc, de la colonne vertébrale, qui apporte en puissance et permet aux membres de se charger de la précision du geste. »


Réaliser un entraînement en rigidifiant le tronc et en effectuant des déplacements grâce à la traction exercée par des extrémités formées de muscles courts et faibles n’a aucun sens, car il s’agit là d’un système diamétralement opposé au schéma corporel réel. Le fait de travailler un muscle isolé n’a pas non plus de sens s’il n’est pas intégré à notre système. On pourra donc avoir des biceps ou des abdominaux très développés, mais nous n’en seront pas forts, souples, stables ou encore efficaces dans nos mouvements pour autant.


Comment fonctionnent les muscles du tronc ?


La première chose que nous devons nous demander au moment de travailler notre abdomen c’est de savoir si nous avons réellement besoin de le fortifier. Dans la plupart des cas, je remarque que mes élèves veulent travailler leur abdomen parce qu’ils ont une impression de faiblesse au niveau de cette partie du corps, alors qu’en règle générale, il s’agit du contraire.


L’excès d’activité du droit antérieur de l’abdomen entraîne une inhibition de la musculature profonde, responsable de la stabilité lombaire. Souvent, ces personnes présentent un patron d’étirement excessif dans la zone lombaire, associé à un fléchissement exagéré des hanches : presque tout le mouvement de la colonne repose alors sur quelques vertèbres seulement, créant ainsi une incapacité à mobiliser le tronc de façon segmentée et contrôlée. Cela entraîne alors une rigidité lombaire et engendre des forces destructrices par compression sur ces segments en hyper laxité.


Je suis surpris de lire des messages et des commentaires évoquant les abdominaux supérieurs ou inférieurs, alors que d’un point de vue fonctionnel une telle distinction n’existe pas. L’activation musculaire est extensive, les muscles ne sont pas conçus pour travailler de manière indépendante. La fonction principale de « tout » le droit antérieur de l’abdomen est la même (mobilisateur). Par contre, je n’entends presque jamais parler des abdominaux profonds, des muscles stabilisateurs ou proprioceptifs, qui eux travaillent en synergie avec les mobilisateurs et dont les fonctions sont différentes et indispensables au fonctionnement correct du tronc.


Le manque de coordination intra et intermusculaire dans le tronc est la cause de multiples problèmes ressentis au niveau de la colonne et étroitement liés à l’instabilité lombaire. Le fait d’effectuer des abdominaux traditionnels favorise ce processus puisqu’il tente d’isoler le travail, en se centrant fondamentalement sur les mouvements de flexion du droit antérieur de l’abdomen et des obliques. Mais qui donc a eu l’idée que, pour entraîner son corps, il fallait presque toujours faire des flexions ?


Le fait est que lorsque nous travaillons les muscles mobilisateurs (superficiels), nous contribuons à la mise en place d’une stratégie appelée de « haut seuil ». Cela signifie que ce groupe musculaire travaille trop et s’active très rapidement, même lorsque son activation ne s’avère pas nécessaire. Cette stratégie entraîne une inhibition (activation minimum) des muscles stabilisateurs (profonds).


Si cette pratique se poursuit dans le temps, le système nerveux l’adopte en tant que stratégie posturale et les muscles, les stabilisateurs profonds, n’étant pas mobilisés, finissent par s’atrophier. Les mobilisateurs se convertissent alors en protagonistes principaux de la stabilisation du tronc et au lieu d’être disposés et préparés pour bouger lorsque cela est nécessaire, ils sont occupés au maintien de notre posture, ne nous permettant pas de bouger facilement et limitant par là-même notre condition physique générale.


La musculature profonde est responsable du mouvement précis et segmenté du tronc sur tous les plans, elle doit fournir des informations sur la position des vertèbres, elle donne de la stabilité grâce au modèle de tenségrité par le travail optimum et coordonné des muscles, des ligaments et des fascias. En définitive, lorsque ces muscles sont préparés pour bouger correctement sur tous les plans, la colonne peut alors réaliser toutes sortes d’activités sans risquer de se blesser.


Une autre raison pour laquelle les exercices abdominaux traditionnels ne fonctionnent pas, s’explique du fait que la majeure partie de la paroi abdominale antérieure est faite de fascias, qu’elle ne possède pratiquement aucune musculature si nous la comparons à celle qui se trouve au niveau de la paroi latérale du tronc par exemple.

En résumé, les problèmes engendrés par un excès d’activité neuromusculaire des muscles superficiels du tronc sont les suivants :

  • Manque de contrôle segmentaire de la colonne,
  • Côtes fixées vers la partie inférieure, rendant la respiration naturelle difficile,
  • Réduction de la mobilité des bras,
  • Bassin avec rotation antérieure entraînant une vulnérabilité de la colonne lombaire.


La « brillante » idée de rentrer le ventre et de coller les lombaires au sol.


Cette indication a pour but d’activer le transverse abdominal afin de protéger la colonne lombaire et d’apporter une certaine stabilité, mais en réalité elle n’améliore pas sa fonction, tout au contraire.
Ces dernières années, le transverse abdominal (TrA) est devenu le « saint graal » de la stabilité lombaire et l’on propose des exercices spécifiques pour le renforcer. Cependant, il n’existe aucune étude prouvant que le TrA puisse être activé individuellement. En outre, l’importance du TrA vis-à-vis de la stabilité lombaire ne réside pas dans sa force mais dans sa synchronisation comme le montrent les études menées par Bo & Stien en 1994, Constantinou & Govan en 1982, Hodges 1997b, Hodges & Gandevia 2000a,b, Hodges 2003, Hungerford 2002, Moseley et al. 2002, 2003, Sapsford et al. 2001.


À cela il convient d’ajouter que le transverse fait partie d’un système stabilisateur du tronc appelé « cylindre intérieur », c’est-à-dire qu’il ne fonctionne pas seul en soi, mais en équilibre et en synergie avec les autres muscles du
« cylindre intérieur » : le diaphragme, le muscle multifidus, les fibres postérieures du psoas et du plancher pelvien. Si l’un des éléments du système est plus actif ou plus fort que les autres, la stabilisation s’en voit affectée de façon négative.


Le fait d’essayer de gagner en stabilité en contractant activement et consciemment l’abdomen n’est pas non plus une bonne idée parce que nous contrarions le système optimum que possède le corps pour stabiliser les lombaires et qui se doit de fonctionner de manière autonome.


Pour finir cet article, j’aimerais mettre en évidence le fait qu’il n’existe aucune étude démontrant que des abdominaux forts évitent ou diminuent la douleur lombaire. Aussi, il en va de la responsabilité de tous les professionnels de la santé musculo-squelettique de changer cette croyance trop répandue dans notre pays.


Merci d’avoir lu ce message jusqu’à la fin, je conçois qu’il puisse paraître polémique et vous invite à me faire part de vos commentaires à ce sujet.

Table des matières

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